Allongement des délais légaux

  1. Comprendre les enjeux
  2. Chiffres-clés
  3. Vrai/Faux

Crédit photo : Claire Bouet

Comprendre les enjeux

Plus de quarante ans après le vote de la loi Veil, le droit à l’avortement est en danger.

Le confinement, et après ?

La période de confinement que nous avons vécue a exacerbé et mis en lumière les difficultés de recours à l’IVG, comme l’ont souligné à maintes reprises de nombreuses professionnel.le.s de santé et associations qui accompagnent les femmes. Le constat d’une baisse de fréquentation des centres de planification pendant le confinement (par peur de sortir pour leur santé, ou à cause d’un conjoint qui les empêchait de sortir) a laissé craindre une augmentation du nombre de grossesses imposées, du fait du dépassement des délais légaux.

Nous avons été de nombreux.euses parlementaires à nous mobiliser sur ce sujet et à porter des amendements visant, entre autres, l’allongement des délais légaux.

Cette mobilisation demeure plus que jamais d’actualité.

Les difficultés d’accès à l’IVG préexistaient au confinement et se poursuivent. Tous les jours, nous faisons le constat de l’insuffisance des politiques publiques en matière d’éducation à la sexualité ou encore de la fermeture de nombreux établissements spécialisés dans l’IVG qui se traduisent – entre autres – par une entrave à la liberté de choix de la méthode de l’IVG pour les femmes. A cela, s’ajoute l’existence d’une clause de conscience spécifique à l’IVG qui consacre l’avortement comme un acte à part, en permettant à tout.e médecin de refuser de prendre en charge un.e patient.e, sans avoir à en donner les motifs.

Les IVG tardives

Ces résistances éthiques – notamment chez les médecins – couplées aux difficultés d’accès aux IVG tardives en France, peuvent être à l’origine du dépassement des délais légaux.

Une étude de 2019 relève en effet des difficultés d’accès voire des refus ponctuels de prise en charge des IVG tardives, c’est-à-dire au-delà de dix semaines de grossesse, et ce alors que l’avortement est autorisé jusqu’à douze semaines.

On estime que 5% des IVG sont pratiquées durant les deux dernières semaines du délai légal, soit entre 10 et 12 semaines. Cette situation est davantage le reflet des difficultés de parcours et d’accès des femmes à l’IVG que celui des difficultés des femmes à faire un choix. Car aucune femme ne reporte sa décision par distraction, par manque de temps ou par plaisir. Concrètement, cela veut dire qu’une femme qui réalise tardivement qu’elle est enceinte – déni de grossesse, mineures mal informées, inégalités d’accès aux soins – et qui est mal orientée (notamment vers un médecin qui exerce sa clause de conscience) peut facilement dépasser les délais légaux.

Le dépassement des délais légaux

Cet exemple n’est pas rare. Elles sont au moins 3000 à 5000 à partir avorter à l’étranger chaque année. Et combien d’autres ne peuvent pas assumer ni les nombreux frais que cela implique (le déplacement, l’hébergement et le coût de l’intervention) ni l’organisation nécessaire (garde des enfants, justificatif pour l’employeur, etc) et sont ainsi contraintes de mener la grossesse à son terme ? Les conséquences pour les femmes peuvent alors être dramatiques : problèmes psychosociaux, rejet/abandon du bébé, difficultés dans l’exercice des fonctions parentales.

Le droit à l’avortement ne saurait être conditionné aux ressources matérielles des femmes.

Pour que l’IVG soit un droit pour toutes, et pas seulement pour celles qui en ont les moyens, la loi doit changer.

Et pas d’inquiétude, les exemples de nombreux de nos voisins européens nous enseignent qu’aucun argument médical ou scientifique ne justifie de s’opposer à l’allongement de ces délais : 

  • L’Espagne et l’Autriche autorisent l’IVG jusqu’à 14 semaines de grossesse ; 
  • Le Royaume-Uni jusqu’à 24 semaines ; 
  • Les Pays-Bas jusqu’à 22 semaines ;
  • Et la Suède jusqu’à 18 semaines.

La pratique de l’IVG par les sages-femmes

Aujourd’hui, la loi française prévoit que : 

  • L’IVG instrumentale ne peut être pratiquée que par un médecin ; 
  • L’IVG médicamenteuse ne peut être pratiquée que par un médecin ou une sage-femme. 

La PPL vise à élargir la compétence des sages-femmes afin de leur permettre de pratiquer des IVG instrumentales, jusqu’à la dixième semaine de grossesse. 

L’IVG fait déjà partie du champ de compétences des sages-femmes puisqu’elles pratiquent des IVG médicamenteuses et qu’elles réalisent déjà des actes endo-utérins. Après une formation complémentaire et plus approfondie, elles seraient donc tout à fait compétentes pour pratiquer des IVG instrumentales. 

Cette mesure permettrait en outre de faciliter l’accès à toutes les méthodes d’interruption volontaire de grossesse. Elle renforcerait la géographie médicale, à l’heure où l’on est confronté à une pénurie de praticien.ne.s et à des inégalités territoriales.

Pour aller plus loin

Les chiffres clés

L’avortement en France

  • Près d’une femme sur trois a recours à l’avortement au cours de sa vie ;
  • 224 338 IVG ont été réalisées en 2018 ;
  • Chaque année, près de 1 000 jeunes filles de 12 à 14 ans sont enceintes en France, et parmi ces grossesses, 770 se concluent par une IVG ;
  • Les écarts régionaux perdurent, les taux de recours allant du simple au double selon les régions : de 10,9 IVG pour 1 000 femmes en Pays de la Loire à 22,0 IVG en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans les DROM, ils sont plus élevés et atteignent jusqu’à 38,5 en Guadeloupe ;
  • 55 800 IVG ont été réalisées hors d’une structure hospitalière, soit 25 % du total des IVG ;
  • Les IVG instrumentales représentaient 90% des IVG réalisées en 1990, pour 36% en 2016 ; 
  • 60 centres pratiquant des IVG ont fermé entre 2012 et 2019 ; 
  • Depuis 2001, la part du secteur hospitalier public est stable dans la pratique des IVG, celle du secteur privé diminue, alors que celle pratiquée en libéral a augmenté. En 2018, 65 % des IVG sont pratiquées dans le secteur public.

Le dépassement des délais légaux

  • Le délai moyen en France entre la première demande en vue d’une IVG et la réalisation effective de l’acte est en moyenne de 7,4 jours au niveau national, variant de 3 à 11 jours selon les régions ;
  • Les femmes sont au moins 3000 à 5000 à partir avorter à l’étranger chaque année ;
  • Le Planning familial, qui écoute et conseille les femmes au numéro vert « sexualités, contraception, IVG » (0800 08 11 11), a ainsi enregistré une hausse de 150% des appels pour des demandes d’IVG hors délai dans les quinze jours qui ont suivi le déconfinement.

La pratique de l’IVG par les professionnel.le.s de santé

  • Beaucoup de praticien.ne.s ne réalisent que très peu d’IVG : 41 % en ont fait moins de 10, 13 % en ont réalisé plus de 50, quand moins de 2 % d’entre eux en ont réalisé plus de 200 dans l’année ; 
  • On observe par ailleurs de fortes disparités régionales : 
  • A Mayotte : 21 % des sages-femmes et 37 % des généralistes et gynécologues ont réalisé des IVG hors établissement de santé ; 
  • En Occitanie : seulement 9 % des sages-femmes réalisent des IVG ;
  • En Ile-de-France : 5% des médecins franciliens réalisent des IVG (et c’est la région où la proportion de médecins réalisant des IVG est la plus élevée)

Vrai/Faux

L’IVG est autorisée en France seulement pour les majeures.

L’IVG est payante.

Il existe deux méthodes pour pratiquer une IVG.

A 14 semaines de grossesse, le foetus ressent la douleur et des émotions.

A 14 semaines de grossesse, l’avortement constitue un risque pour la santé des femmes.

L’allongement des délais légaux engendrerait un risque d’eugénisme et de choix de l’enfant.

On ne pourra jamais obliger un médecin à pratiquer un avortement s’il ne le souhaite pas.

Supprimer la clause de conscience reviendrait à supprimer l’obligation faite aux médecins réticents d’orienter la patiente vers un autre praticien.

Les sages-femmes ne sont pas compétentes pour pratiquer des IVG.